vendredi 20 avril 2007

Antonio Fischetti nous raconte une histoire d'enfance

J’écris ce livre à cause de deux perruches. « Un mâle et une femme » avait dit le marchand de la fête foraine où mes parents les avaient achetées. Ces perruches étaient arrivées sur le buffet de la cuisine et, là, elles passaient l’essentiel leur temps à papoter, agrémentant nos repas d’incessants piaillements. Je ne sais pas si vous avez tout le raffut que font des perruches qui jacassent, mais je peux vous affirmer qu’il y a de quoi vous donner l’envie d’en faire des brochettes. Musicalement, disons que ce bruit se situe à mi-chemin entre le cliquetis d’un trousseau de clé ballotté et la mélodie d’un chariot mal huilé sur uns sol de supermarché. Pourtant, je n’en voulais pas à ces malheureux oiseaux. Drôle d’indulgence, finalement. Pour expliquer, il m’a fallu attendre de devenir grand : j’ai alors compris qu’il y avait de la perruche en moi. Car, moi aussi, je jacassais sans cesse dans le désert d’une cuisine vide. La plupart des mots sortant de ma bouche ne rencontraient de la part des adultes que des réponses du genre « Tu changeras quand tu seras grand », « Tu comprendras plus tard », « Fais tes devoirs d'abord »… À l'instar de ces perruches, je m'époumonais dans l'espoir d'un écho qui ne venait pas. En partageant mon désarroi, ces amies emprisonnées l'atténuaient sans doute un peu. À mon avis, ce n'est pas un hasard si hormis les enfants, ce sont les personnes âgées qui s'intéressent le plus aux animaux : « quand elles disent de leur petit chat qu'il ne lui manque que la parole », cette parole manquante dont ils parlent est surtout la leur, parole qui se meurt faute d'oreilles pour l'entendre. Mes perruches m'amenaient bien loin de ce romantisme naïf qui fait entendre les chants d'oiseaux comme un hymne à la joie de vivre ou une allégorie de l'« harmonie » de la nature. Au contraire, le caquetage de ces bestioles ne m'évoquait que des drames, tant elles me semblaient confinées dans une cage bien plus angoissante que des barreaux de métal, je veux parler de ces murs sémantiques auxquels se heurtaient leurs incessantes tentatives pour se faire comprendre. Quelles déclarations d'amour, quelles demandes, quelles réprimandes, quelles chamailleries, quelles réconciliations se jouaient donc dans cette cacophonie ? L'enfance a passé sans que je l'apprenne. Puis, je suis entré dans le monde des adultes où les sons des animaux sont loin de représenter le principal sujet de préoccupation. On peut même dire qu'ils laissent parfaitement indifférents la plupart des gens. Et pourtant, certains détails me font penser que ce désintérêt est moins fort qu'il n'y paraît. Le vieux paysan qui, sous des airs bourrus, donne des prénoms féminins à ses vaches et leur parle plus gentiment qu'à sa femme ; l’intello parisien qui se moque des petits vieux qui gagatisent avec leur chien-chien mais cultive un look de Rambo mais se métamorphose en fillette pour minauder avec son berger allemand… Tous ceux-là, et bien d’autres, démontrent à quel point le désir de communiquer avec l’animal est ancré chez l’être humain mais celui-ci s’intéresse peu aux sons des animaux car ils ne lui racontent pas grand-chose. Personnellement, je ne suis pas au-dessus du lot, par contre, ce qui me captive, c’est le sens de ces sons... Suite à découvrir dans la "symphonie animale". Extrait du livre

Aucun commentaire: